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Karim REGGAD - Copier

CID congrès 2016
Texte de la conférence donnée au congrès du Conseil International de la Danse -novembre 2016
Les ressources de la métaphore et de l’analogie en danse-thérapie
Karim M.Reggad - Membre du CID – UNESCO - France/Maroc
Table des matières de l’article

1) Introduction     2)  Le corps, l’image et la créativité   3) Métaphore et analogie  
4) Processus et formes métaphoriques   5) Trois types de métaphores   
6)  En guise de conclusion    7) Bibliographie

1) Introduction
Depuis une bonne trentaine d’année, nous pouvons régulièrement observer la réapparition de la notion de créativité en thérapie, ainsi que l’usage de la métaphore et de l’analogie comme moyens thérapeutiques ou pédagogiques. Dans la pratique clinique, ils s’avèrent constituer de remarquables moyens thérapeutiques. L’art-thérapie, la danse-thérapie, les mobilisent pleinement, ceci, le plus souvent de manière implicite, sans qu’ils soient clairement identifiés, nommés, théorisés.
Le Docteur Milton Erickson, talentueusement, mit en évidence et utilisa les métaphores. Leurs  effets sont parfois si étonnants qu’ils peuvent nous renvoyer à une pensée magique, irrationnelle. Depuis, différentes pratiques sociales y font référence : thérapies systémiques, hypnose, pnl… avec des applications qui se sont élargies de la psychothérapie, à la médiation, à la pédagogie et au coaching.
En réalité ces ressources sont mobilisées depuis toujours, par des tradi-praticiens comme les chamans par exemple, avec ou sans l’utilisation de la danse et de la musique. Bien avant la vogue de la métaphore, la méthode du « rêve éveillé » de Robert Desoille, s’appuyait essentiellement sur ce mode. Deux approches qui mobilisent le corps, le psychodrame du Moreno et la Gestalt-Thérapie de Perls, y font largement appel. Avec l’art-thérapie, le déploiement métaphorique s’effectue sous des formes artistiques multiples. La danse est une de celles-ci ; elle a l’avantage de mobiliser des ressources primitives – archaïques – du corps, de l’être, potentiellement génératrices de changement.
Dans le champ du coaching, pratique sociale récente, qui trouve des étayages dans les théories de la psychologie et de la psychothérapie, la métaphore est appliquée à la résolution d’inhibitions ou de freins rencontrés par le client. Ce foisonnement de praxis pose la question de la clarté des cadres et celle du maniement approprié de l’outil métaphorique.
Le présent article se veut une modeste ouverture à la réflexion, en mettant l’accent sur la métaphore et sur ses applications plus spécifiques en danse-art-thérapie.

2) Le corps, l’image et la créativité
Mon expérience sur les terrains de la thérapie, de la formation, du coaching et de la création artistique, me permet de considérer que la métaphore dont il est question ici, ne saurait se réduire à une image traduite uniquement en langage verbal. L’image dont nous parlons ici peut "naître" à la conscience, ou être traduite et dynamisée par le biais de différents niveaux d’expression symbolique de l’être. Le mouvement est un des biais. La pratique évoquée ici se caractérise par  la prise en compte du corps, de l’être et de la relation dans leur globalité. Elle articule et conjugue différents langages symboliques. En danse-thérapie, c’est avant tout le mouvement, l’émotion, la transe, qui constituent les moteurs de la transformation intérieure. L’espace de la parole permet la mise en mot et l’intégration du voyage thérapeutique par le mouvement.
De quel corps est-il question ?
Je répondrai ici d’une manière concise :
« Il s’agit du corps phénoménologique, expérientiel, vécu… du corps de l’Etre ».
Maurice Merleau Ponty, Martin Heidegger sont les références premières pour l’étayage théorique de la réponse. Je vous invite en première approche à consulter l’ouvrage de Jean Ambrosi : « la Gestalt-thérapie revisitée ». Il y propose un éclairage et une réflexion théorique qui peuvent trouver des applications intéressantes en danse-thérapie.
Ma pratique de la thérapie, m’a conduit à considérer qu’il s’agit d’un corps sensitif, "qualitatif", avec des niveaux logiques et de langages différents. Le verbal – la parole – constitue une des modalités de traduction symbolique, mais ce n’est pas la seule.
Dans les cadres de la thérapie, de la pédagogie, du coaching et de la créativité, j’ai pu expérimenter et élaborer des modes de mise en jeu spécifiques de ces différentes modalités. Je constate qu’ils  favorisent le déploiement d’une nouvelle créativité, ceci, autant chez le sujet que chez l’accompagnant professionnel. En danse-thérapie, j’ai pu constater des effets puissants et parfois étonnants en termes de changement.
3) Métaphore et analogie
Je voudrais à présent, rapidement rappeler la distinction entre l’analogie et la métaphore. Il y a fréquemment confusion entre ces deux termes, l’un étant souvent pris pour l’autre.
Analogie : signifie « rapport des parties entre elles et leur tout ». Analogie signifie « correspondance proportionnelle entre deux objet ». Le terme ana signifie « vers le haut ». Il implique l’idée d’un dépassement nécessaire, d’une transgression par la pensée de limites infranchissables dans la réalité. C’est donc un mode de pensée qui permet de relier des éléments dissemblables. Et ce lien s’opère notamment grâce à la métaphore. Il s’agit donc d’une mise en correspondance entre les objets. Celle-ci, en principe, ne change rien aux objets eux-mêmes. Je dis bien en principe, car dans le cadre thérapeutique ou pédagogique, il me semble que cette mise en correspondance peut entraîner un changement de certains objets. Cela, nous le verrons au travers des exemples cliniques que je vais présenter.
Le terme métaphore signifie « transport ». C’est un procédé par lequel on transporte la signification propre d’un mot à une autre signification qui ne lui convient qu’en vertu d’une comparaison sous-entendue. Par exemple, en français, une formule dit : « La vieillesse est le soir de la vie ». La métaphore consiste en une transformation des objets, non dans la réalité, mais dans notre représentation de leur réalité. Lorsque certaines conditions sont réunies, la transformation de notre représentation de la réalité va modifier notre rapport à elle. Cette modification peut avoir des conséquences parfois spectaculaires quant à notre fonctionnement, quant à notre manière d’être au monde.
4) Processus et formes métaphoriques
La métaphore dont il est question ici, ne saurait donc se réduire à une image traduite uniquement en langage verbal. L’image que nous évoquons peut "naître" à la conscience ou peut être traduite et dynamisée par le biais de différents registres d’expression symbolique de l’être : l’imaginaire, la posture, le mouvement, différentes formes artistiques… La pratique évoquée ici, la Gestalt-Danse-Thérapie, prend en compte de manière dynamique le corps, l’être et la relation, dans leur globalité, avec l’articulation ou la conjugaison de différents langages symboliques. La parole constitue un des modes opérationnels. Le mouvement et le rythme par exemple sont deux modalités majeures en danse-thérapie.
En situation clinique, certains mouvements corporels, les postures – avec les sensations et les émotions concomitantes – peuvent être considérées comme métaphores. Dans ce sens, il y a "transfert", traduction dans –et par – le corps, de la dynamique profonde du sujet, des exigences contradictoires qui l’animent, des différentes formes d’inhibitions ou de blocages. Ici le corps n’est plus considéré comme un ensemble de structures inférieures, dont l’expérience chaotique pourrait être organisée uniquement par le travail du signifiant verbal. C’est ce que la psychanalyse nous a donné à penser et à croire pendant plusieurs décennies.
Avec la pensée gestaltiste et systémique, s’est opéré un changement épistémologique fondamental. Celui-ci autorise une approche et des lectures du monde, renouvelées. Cette nouvelle épistémologie, qui permet de nouveaux fondements à la connaissance, a considérablement élargi et enrichi nos possibilités de mobiliser le corps et les ressources humaines en thérapie, puis en pédagogie, et aujourd’hui dans cette nouvelle pratique nommée coaching.
5) Trois types de métaphores
L’expérience clinique m’a conduit à distinguer trois types ou degrés de métaphores. Je les ai nommées : RéalisteEidétiqueArchaïque.
Chacun de ses types de métaphores peut être mise en jeu en danse-thérapie.
Nous allons à présent les aborder de manière concrète.
-          5-1) La métaphore du 1er degré : « réaliste » ou « inversée »
Voyons une situation de thérapie avec le Dr Erikson :
-          Le Dr Erikson reçoit une femme pour un problème de frigidité. Milton Erikson lui demande de décrire comment elle dégivre son réfrigérateur. Il lui pose des questions, on ne peut plus banales. Comment va-t-elle faire ? Quel bouton doit-elle tourner ? Comment retirer la glace ? A aucun moment il ne mentionne directement le problème sexuel. Il feint toujours de se livrer à une analyse superficielle des détails de cette corvée ménagère sans intérêt. Ce faisant, sur ce mode verbal, il traite sur ce mode le problème posé.
-        Il est possible de considérer cette intervention comme une sorte de « rêve à l’envers » sollicité par Erikson. Ce « rêve inversé » constitue un mode de traitement du problème de sa patiente. Ici, le travail métaphorique utilise des éléments banaux de la vie quotidienne. Nous avons affaire à un type de métaphore, que j’appelle « métaphores réalistes ou inversées ». Celles-ci se distinguent des métaphores par images qui sollicitent plus directement le registre de l’imaginaire et des fantasmes.
-        Voici un autre exemple de « métaphore réaliste » puisé dans le cadre d’une supervision gestaltiste : Marie est soignante, formée avec mon équipe. Après plusieurs années de pratique institutionnelle, elle vient de s’installer en libéral. Dans une session de supervision, elle pose comme problème sa « difficulté à se faire payer son juste prix ». Alors que ses patients l’apprécient et que les résultats sont probants, elle n’arrive pas à faire payer ses consultations au prix qui correspond à son expérience et à la valeur de ses prestations.
-         Une première phase d’exploration nous conduit à constater que la reconnaissance par autrui, par ses clients, lui est acquise. Une seconde phase porte sa propre « auto-reconnaissance ». Cette phase induit une mobilisation émotionnelle plus importante, elle met en évidence un comportement d’auto-dévalorisation. Il me semble logique que la séance va évoluer dans un registre émotionnel qui nous conduira inévitablement à son enfance et à sa relation aux figures parentales. Mais à ce moment de notre relation, cette évolution logique dans le registre émotionnel et biographique m’apparaît tellement évidente qu’elle ne m’inspire pas du tout ! Que faire alors ? Je reste un instant l’esprit vide, ne cherchant plus aucune piste, lorsqu’émerge en moi la question suivante : « Marie, t’arrive-t-il d’aller au marché ? ». A travers sa tristesse elle écarquille les yeux de surprise, puis elle me répond « oui ».
-          Superviseur : « Quand y es-tu allée pour la dernière fois ? »
-          Marie : « Avant-hier »
-          Superviseur : Raconte-moi un peu comment cela se passe, y a-t-il un marchand chez qui tu aimes bien retourner ? »
-          Marie : « Oui, il y a un vieux papy chez qui j’aime bien aller. Il vend des fruits biologiques vraiment délicieux. La dernière fois, je lui ai acheté des pommes. Il ne les vend pas cher d’ailleurs ! »
A ce moment, j’invite Marie à faire venir symboliquement le papy dans le groupe de supervision et à dialoguer avec lui à voix haute. J’utilise la technique classique du « hot seat » de la Gestalt-thérapie. Marie est alors conduite à jouer son propre personnage ainsi que celui du papy. Cela implique une activation du corps et du mouvement. Il s’avère rapidement que notre papy a des pommes vraiment délicieuses, mais qu’il ne les vend pas assez cher ! Nous assistons alors à la mise en scène du problème de Marie, à travers sa relation au vieux marchand. Elle essaie en vain de le convaincre de vendre ses pommes plus cher, mais lui, répond par des contre-arguments qui disqualifient ses produits. A un moment du jeu, le visage et les yeux de Marie s’illuminent. Elle reste ainsi debout, sans dire un mot. Je lui demande de me dire ce qui se passe pour elle. « Je ne sais pas ce qui se passe » me dit-elle, « il y a arrêt sur image ! ». Je lui demande si nous pouvons arrêter là. Elle me répond oui. Nous en restons là, sans aucun commentaire supplémentaire.
Deux semaines plus tard, Marie me téléphone pour m’apprendre qu’elle demande à présent son prix sans aucun problème. Cela peut paraître magique ! En fait nous venons de voir à l’œuvre un travail métaphorique actif, qui utilise des éléments banaux et réel de la vie quotidienne de Marie. Le processus analogique mis en jeu n’a rien changé à la vie du papy, mais nous pouvons faire l’hypothèse qu’il a été un agent appréciable de changement chez Marie.
Que ce soit dans le cadre de la supervision professionnelle ou de la danse-thérapie, je peux conduire la personne qui pose une problématique, à l’exprimer par le biais de différentes médiations : le mouvement, le mime, le théâtre, la danse…
Elle peut l’exprimer, le traduire par un matériau qui a l’apparence du banal, du quotidien, « réaliste », ou bien qui relève du rêve, de la fantasmagorie, de l’image. Nous entrons alors dans une autre dimension de la métaphore que nous allons aborder à présent : celle de « l’éidos ».
-          5-2) La métaphore du 2ème degré : « par l’image » ou « eidétique "
« …et le Saint-Esprit descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe… » Luc -3-22. Cette parole de la bible peut être considérée comme un exemple d’éidos. Dans le livre d’Elisabeth Zana, « la danse et le sacré », nous pouvons constater d’une manière évidente,  la force et la présence de l’éidos  dans toutes les cultures. Voyons d’une manière simple et concrète cette notion de métaphore du 2ème degré.
Prenons la situation d’un conférencier qui se trouve mal à l’aise face à son public. Depuis la salle, si vous lui demandez comment il perçoit son audience. Pour exprimer ce qu’il ressent, il pourrait choisir de répondre par une construction métaphorique. Par exemple :
« Je me sens mal à l’aise face à vous, je vous perçois comme une horde de panthères noires, menaçantes. Je me sens comme un petit agneau blanc, faible et sans défense qui n’aspire qu’à une seule chose : rentrer sous terre pour disparaître ». Ici, la métaphore traduit bien d’une manière imagée, l’état de notre conférencier stressé.
Si celui-ci est à l’aise, heureux de se trouver face au public, il pourrait traduire son vécu de la façon suivante : « Je perçois cette auguste assemblée comme un magnifique champ de fleurs, toutes aussi chatoyantes les unes que les autres. Et moi ! Je me sens comme un petit lapin, tout blanc, au poil doux. Et je n’aspire qu’à une chose, aller folâtrer dans ce champ magnifique et m’imprégner de vos parfums tous aussi riches et subtils les uns que les autres. Là, les informations véhiculées sur ce même mode métaphorique, traduisent « clairement » un tout autre vécu.
Si sa conférence a pour thème la métaphore, il peut aussi  inviter son public à l’imaginer, lui-même, autrement qu’en être humain : en légume par exemple, ou en animal, ou en arbre, ou toute autre représentation imagée possible…
Nous sommes ici, dans le registre d’eidos, de la métaphore par l’image, voire du fantasme.
Une technique que j’aime bien utiliser en groupe consiste à demander aux participants de renvoyer, chacun, une image à une personne donnée. Il ne s’agit pas de construire cette image d’une manière intellectuelle et rationnelle, mais de la laisser émerger à la conscience sans réfléchir, par associations libre. Je demande ensuite à la personne concernée de retenir deux images : une première, celle qui lui qu’elle aime bien ; puis une seconde, qui la dérange ou qu’elle n’aime pas. Chacun s’approprie ainsi deux images puisées dans le miroir du groupe. Je peux alors inviter chaque participant à créer une histoire qui le contient, avec ces deux images. Ensuite il y a une phase de dramatisation où chacun va incarner ces différentes représentations – ou polarités en langage gestaltiste –, les faire vivre, les faire interagir. Nous pouvons alors voir se déployer une aire de jeu, où l’intériorité du sujet, les conflits, les gestalts inachevées vont être abordées et traitées sur un mode métaphorique. Sur ce mode vont pouvoir être traités des problématiques diverses,  individuelles ou collectives. Cet espace potentiel comme l’a appelé Winnicot, nous pouvons ainsi le développer par le biais de médiations artistiques : la danse, la peinture, le modelage, les masques, les marionnettes, etc.… Les applications concernent aussi bien les adultes que les enfants. Le choix et la mise en jeu des médiations artistiques s’effectuent en fonction du cadre, du groupe, de l’intérêt et de la formation du professionnel, qu’il soit enseignant ou thérapeute.  
-          5-3) La métaphore de 3ème degré : « archaïque » ou « somatique »
Dans un article intitulé « Penser comme un cheval », le philosophe Michel Onfray se questionne : « L’on en vient à se demander si cette intelligence animale que nous avons perdue n’est pas plus grande que l’intelligence livresque qui l’a recouverte depuis des millénaires ». Au regard de mon expérience de thérapeute impliquant le corps et son intelligence, je peux répondre par l’affirmative à cette question.
Ce mode métaphorique que j’ai nommé « archaïque » comprend la composante animale de l’humain. Sur le plan pratique, il se caractérise par une mobilisation psychocorporelle effective. Nous entrons de « plein pied » dans le corps, si je puis dire ! Pour l’illustrer, nous allons retrouver la clinique, au travers de l’approche thérapeutique inaugurée en Europe par le thérapeute gestaltiste Jean Ambrosi, « la thérapie du mouvement essentiel ». Voyons le cas d’Emilo :
Emilio m’évoque les situations difficiles qu’il vit en ce moment, notamment sur le plan familial. Il a une douleur chronique dans le dos, au niveau des dorsales. Lors de notre première rencontre, l’analyse de sa demande le conduit à formuler le désir « d’arriver à mieux faire face à ce moment difficile de sa vie». Je lui propose d’aller « prendre contact » avec sa manifestation somatique chronique par le biais d’un mouvement. J’indique à Emilio de se tasser tout doucement sur lui-même, de façon à aller à la rencontre de la zone douloureuse, celle-ci « contactée », il se redresse lentement sur son axe vertébral. Tout le temps de ce mouvement spécifique, il est invité à être à l’écoute de ses sensations. La manifestation somatique récurrente, chronique est ici considérée comme un message. Ce mouvement particulier peut être défini comme une « chorégraphie primitive silencieuse », comme un mode de dialogue, de « réponse archaïque » qui s’opère au sein du système « psyché corps ».
J’indique à Emilio de ne pas chercher ni à se faire plus mal, ni à soulager, ni à faire disparaître la douleur. Il s’agit simplement d’aller prendre contact avec celle-ci, par le biais de son mouvement. L’indication lui est donnée de venir me voir dès qu’il sent la moindre petite modification de sensation. Je laisse donc Emilio seul pour effectuer son mouvement. Quelques minutes plus tard, lors de la verbalisation, Emilio me fait part d’une douleur très forte au bas des dorsales. Je lui demande à partir de quoi il a décidé de venir me parler. Il me répond qu’il a arrêté son mouvement lorsqu’il n’a « plus pu tenir ! ». Il constate qu’il n’a pas tenu compte de mon indication de sortir de son mouvement dès que le message commence à se modifier. Il fait alors des liens avec son fonctionnement dans la vie quotidienne. « En général dans ma vie, j’attends jusqu’à ce que je ne puisse plus tenir pour réagir… dans ce mouvement je voulais voir jusqu’où je pouvais aller ».
Je l’invite à reprendre son mouvement avec l’indication de respecter la moindre modification de sensation dans son corps. Emilio reprend son mouvement. Lorsqu’il revient me voir, je constate qu’il a suivi l’indication d’écouter et de respecter la  moindre modification perceptible dans son corps. « Ca me donne des idées pour ma vie. Il me semble  maintenant que je vais pouvoir prendre du recul par rapport à certaines situations. Je ne vais pas attendre d’en avoir plein le dos pour réagir ! » C’est une nouvelle prise de décision qu’il concrétisera effectivement dans son quotidien.
La façon dont la personne aborde et vit son mouvement dit « essentiel », la manière dont elle entend ou n’entend pas les indications qui lui sont proposées par le thérapeute, constituent une grille de lecture appréciable. Tout se passe comme si la personne « jouait » sur le plan symbolique du ressenti corporel, de son mouvement, sa façon d’être au monde. Le thérapeute peut ainsi, selon un mode analogique, se faire une idée de sa manière d’être, de fonctionner au niveau le plus large de sa vie. Ceci, avant même que la personne ne le traduise par le discours verbal ou n’en prenne conscience. Cette idée, cette représentation du thérapeute, n’est aucunement considérée comme vérité, mais comme hypothèse. L’utilisation de grilles différentes permettra de la confirmer, de la réaménager, ou de l’infirmer. Ma formation à la thérapie du mouvement essentiel a grandement influencé  mon approche du corps et de la danse-thérapie. Elle m’a ouvert à la conscience des différents registres d’expression symbolique de l’être et à l’attention fine du corps et de ses langages.
Je terminerai avec un autre exemple de « métaphore de l’archaïque », tiré d’une session de cinq jours d’art-thérapie. Au début du groupe, une participante que nous nommerons Alice, nous informe qu’elle a un fibrome dans le ventre et qu’elle doit subir une intervention chirurgicale pour l’extraire. Celle-ci doit avoir lieu une semaine après la fin de la session. Pendant le stage, Alice va être invitée à rentrer dans un « dialogue avec son mal ». Elle est conduite à le symboliser par la danse et par le dessin. Elle va ainsi vivre des moments intenses d’émotions et de transe. L’espace de la parole a bien sûr toute sa place dans cet accompagnement. Une semaine après Alice se présente à l’hôpital pour subir son intervention chirurgicale. Mais, à la grande surprise de l’équipe médicale, l’opération ne peut être effectuée, car le fibrome a disparu.
Que s’est-il passé pour Alice et pour Pierre ? Est-ce magique ?
Si je parle du point de vue de l’enfant en moi qui est régulièrement émerveillé par ce type d’évènements, je peux répondre oui ! Si je me place d’un point de vue scientifique, alors je réponds non. Dans l’état actuel de ma réflexion, la question des processus impliqués dans ce que j’ai nommé « les métaphores de l’archaïque » demeure ouverte, particulièrement en art-thérapie lorsque j’utilise la danse et les rythmes comme médiations. Je constate seulement que « ça marche » ! L’analogie et la métaphore me permettent parfois une forme de compréhension de ce qui se passe, de ce qui est en jeu. Mais dans l’état actuel de ma réflexion, je me demande quels processus sont véritablement concernés lorsque je travaille avec les « métaphores de l’archaïque ». Je constate que nous disposons de ressources très appréciables – puissantes – applicables dans le cadre thérapeutique, en art-thérapie, en pédagogie, en coaching.

6) En guise de conclusion
Avec les métaphores, nous disposons de puissantes ressources en danse-thérapie. A partir des situations évoquées, nous avons vu qu’il est possible de considérer trois  degrés différents de métaphores, trois modes opérationnels différents : réaliste ou inversé, eidétique ou par l’image, archaïque ou somatique qui implique directement le corps.
La présentation proposée ici n’a pas un caractère exhaustif. Dans chacun de ces modes existent des catégories différenciées. La notion de degré proposée n’implique pas celle d’une hiérarchie des modes métaphoriques.
Des techniques peuvent être élaborées et appliquées dans différents cadres, en thérapie, en pédagogie, en coaching, en créativité. Cependant, la formalisation théorique n’en demeure encore qu’à ses débuts.
L’art de l’accompagnement consiste à utiliser  le mode le plus opportun, le plus approprié à la problématique et la personne concernée. Dans l’approche thérapeutique dont il est question ici, la Gestalt-Danse-Thérapie,  cela implique pour le thérapeute de se libérer de toute grille théorique pour s’ajuster dans le « ici et maintenant » à la dynamique de la personne ou du groupe. Il s’agit de développer une dynamique de co-création, de co-évolution. L’analogie et la métaphore constituent de puissantes ressources à cet égard
Karim M. REGGAD
Chorégraphe - Metteur en scène            Gestalt-Thérapeute - Art-Thérapeute  
Membre du CID - UNESCO
Directeur de l’IFGAP - www.ifgap.net

7) Bibliographie sommaire
« Jeu et réalité », Donald Woods Winnicot – Editions Gallimard
« Ma voix t’accompagnera – Milton Erickson raconte » Sidney Rosen – Editions HG
« Un thérapeute hors du commun : Milton Erickson » Jay Haley – Editions EPI
« La gestalt revisitée » Jean Ambrosi – Edition Privat
« Influence » François Roustang – Editions de Minuit
« Instant et processus » Catherine Guitton-Cohen Adad – Editions ESF
« Signes, symboles et mythes » Luc Benoist – Editions PUF
« Le langage du changement » Paul Watzlawick & co  – Editions Seuil
« Théorie et pratique du rêve éveillé dirigé » Robert Desoille – Editions du Mont Blanc
« Le psychodrame et la vie »  Pierre Bour – Editions Epi-Desclée de Brouwer
« L’évolution créatrice » Henri Bergson – Editions Puf.
« Quand la danse guérit » France Schott-Billman – Editions la recherche en danse
« Pour une danse enfin libérée » Adolphe Andrad – Editions Laffont
« « La danse et le sacré » Elisbeth Zana – Editions Dervy
« Penser comme un cheval » Michel Onfray - Revue Le Point du 24.11.2011.

8) ATELIER dans le cadre du congrès   "Percu-Vocal-Danse"
Au cours de cet atelier, je vous propose de découvrir le plaisir et la joie du rythme et de la percussion corporelle. La pédagogie mobilise aussi la voix et le souffle. Nous ferons évoluer la gestuelle vers une danse qui intègre ses éléments.
Karim Reggad

Karim Reggad est d’origine Franco-Berbéro-Algéro-Marocaine.
Danseur et percussionniste, metteur en scène, Karim a été qualifié de "chaman du rythme".   Il crée des liens entre différents styles de danses : brésiliennes, latines, indiennes et africaines... Il aborde l’être humain dans sa globalité.
Ce qui le caractérise : une manière unique de conduire chacun à découvrir les possibilités créatives et rythmiques du corps. Avec Karim, danser est un plaisir, un jeu, un moment de rires et de convivialité. Une expérience qui complète et enrichit la pratique de la danse, quel que soit votre style.
 
Karim est régulièrement invité par des écoles et compagnies de danse et de théâtre pour animer des stages et master classes.
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